Si le but de la vie est d'être heureux, bah c'est déprimant
J'ai commencé à comprendre qu'on a le droit de faire des activités sans se préoccuper du but, juste parce qu'elles nous rendent heureux.
J'ai cru comprendre aussi que c'est même mieux car ça évite le piège de vivre dans ses rêves du futur sans rien réaliser dans le présent.
Je considère ses prises de conscience comme des avancées importantes face à ma dépression.
Mais je me dis maintenant que ce sont des avancées dangereuses selon notre état, surtout quand on a perdu le goût de pas mal de choses.
Aujourd'hui je n'ai rien de prévu. Je n'ai pas d'échéances urgentes pour mes cours ou mon foyer. Je peux donc faire totalement ce dont j'ai envie. Cela me réjouissait, je crois. Puis arrive toujours le moment où je dois choisir ce que je veux faire. N'ayant pas envie de grand chose, je dois surtout éviter l'écueil de retourner dans mon lit me morfondre.
Sans l'envie pour guider le choix, mon cerveau dérive sur d'autres pensées pour trouver des éléments de décision.
Mais donc la considération que l'activité soit utile n'est plus un critère valable ?
Je n'ai pas besoin de choisir quelque chose qui permette d'obtenir une oeuvre finie/présentable/vendable.
Pas besoin de faire quelque chose qui concrétise l'une de mes idées de business.
Si je peux et dois faire idéalement quelque chose qui ne sert à rien (du moins sans penser à quoi ça sert) pour mieux profiter de la joie mais que c'est justement l'émotion que je n'ai plus... c'est déprimant.
Je conçois vaguement quelles activités je trouve chouettes, mais la fatigue chronique causée par la dépression est toujours présente donc je ne me sens pas l'énergie d'entamer une action qui me semble grosse et épuisante juste pour... être heureux ?
Je ne sais plus ce que c'est d'être heureux. Comment pourrais-je le vouloir ? Et surtout comment pourrais-je le placer en seul objectif de ma journée ?
Ce n'est pas du vrai bonheur, je le sais, mais, en ce moment, ce qui me soulage, c'est de me cacher dans mon lit. Donc si je peux juste faire ce dont j'ai envie sans me soucier des conséquences, ce serait ça. Mais c'est ce que je dois transmuter pour peut-être sortir de la dépression.
Ma conclusion est donc que j'ai eu ces avancées au mauvais moment.
Je ne suis pas vraiment en état de les mettre en oeuvre. Ce qui me donne l'impression d'être dans une nouvelle impasse. J'ai peut-être compris comment vivre ma vie mais je ne suis pas en état de le faire. Il faut donc que je comprenne comment sortir de cet état sans que ça passe par la motivation et la mise en action de vivre une vie chouette.
Comment alors ?
C'est déprimant.
Je peux essayer de faire comme avant, des activités qui servent à quelque chose ou qui tentent de me rapprocher de mes rêves. Mais je croyais que j'allais réussir à réapprendre à vivre pour vivre et à la place, si je ne veux pas avoir l'impression de gâcher mon temps, je vais devoir continuer à vivre pour survivre. C'est ce qui me tue à petit feu et me maintient dans des schémas qui posent la question de l'utilité de ma vie. Ou qui me font conclure souvent que je n'y arrive pas (pour un art) ou que je veux abandonner (pour les études).
C'est difficile d'imaginer se satisfaire d'une vie où on est juste heureux (quand on ne sait pas ce que c'est et) quand on avait l'impression qu'une vie qui vaut la peine c'est une vie où on transmet des messages, aide à des grandes causes (société, climat...), divertit ou inspire des publics grâce à sa notoriété, etc.
Et tout à coup il faut arrêter de vouloir ça et juste être heureux (et peut-être qu'en étant heureux on finira par réaliser ces choses par hasard).
Ça semble une ambition tellement ridicule.
Et je sais que j'ai tort et que c'est beaucoup plus sain, mais je n'en suis pas encore là.
Je ne hiérarchise pas les ambitions car je vois bien que ce serait hautain. Je ne dois pas voir mes ambitions comme "plus nobles" pour les justifier. D'ailleurs je remarque quelque chose: mes ambitions signifient que je veux aider à rendre les gens heureux ou améliorer les conditions pour qu'ils le soient. Mais être heureux moi, je ne vois pas l'intérêt.
Quelle ironie.
En fait je ne vois pas le bonheur comme possible intrinsèquement. Mes ambitions signifient de rendre la société plus juste, tolérante, informée, accessible, inclusive, etc. Et que c'est une fois cet état atteint que tout le monde pourra être heureux, moi y compris.
Je blâme la société pour mes maux, mes difficultés découlant de l'autisme, de la transidentité et d'autres étiquettes. Comme si c'est ça qui m'empêchait d'être heureux. C'est probablement faux ou incomplet.
Ça veut dire qu'il est possible d'être heureux avec un salaire de misère, des troubles mentaux et des caractéristiques que notre entourage peut tolérer ou rejeter ?
Hâte de savoir comment